samedi, mars 25, 2023
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Mali : L’heure de vérité pour la junte militaire

(Par Pierre Haski/France Inter) – Après les sévères sanctions imposées au Mali par les pays de la région (CEDEAO), la junte au pouvoir à Bamako dénonce des mesures « illégitimes ». C’est un test pour tous les acteurs de cette crise inédite, y compris la France qui se tait pour l’instant.

C’est une épreuve de force dont personne ne risque de sortir vainqueur. La junte militaire au pouvoir à Bamako a répondu hier sur le ton du défi aux sévères mesures de sanctions prises par la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) : « illégales » et « inhumaines », a déclaré un porte-parole en uniforme kaki, accusant les chefs d’État africains de se faire « instrumentaliser par des puissances extrarégionales aux desseins inavoués » ; comprenez la France !

De fait, le Mali, pays enclavé, a désormais ses frontières terrestres fermées, il est coupé de ses débouchés vers la mer ; ses liaisons aériennes interrompues avec tous ses voisins (sauf la Guinée Conakry) ; et il a ses avoirs financiers gelés par les instances monétaires régionales. En cause la durée de la transition proposée par les militaires pour un retour du pouvoir aux civils : les élections prévues le mois prochain sont reportées à … 2026 ! Les pays de la CEDEAO ont considéré que la junte prenait « le peuple malien en otage », et ont imposé ces sanctions parmi les plus sévères que des pays africains aient eu à subir. Au risque de pénaliser d’abord la population malienne, dont la vie quotidienne va devenir plus difficile encore.

Pourquoi une réaction aussi dure des pays africains ? L’explication la plus simple est que les pays de la sous-région redoutent la contagion des coups d’état militaires, après ceux de Guinée et du Mali. En infligeant de lourdes sanctions, ils découragent les putschistes en puissance chez eux. Mais ce n’est pas la seule explication. Car la crise de légitimité ne concerne pas que les régimes militaires : si on y regarde de plus près, ils ne sont pas nombreux les gouvernements des 15 pays de la CEDEAO qui peuvent prétendre à une parfaite constitutionnalité. En réagissant fermement contre les pouvoirs militaires, ils se placent du bon côté de la gouvernance, quels que soient leurs défauts.

Mais avec cette confrontation régionale, le Mali est entré dans une zone de turbulences et d’incertitudes totales, et réagit par une fuite en avant sécuritaire. Car il y a parallèlement cette tension sourde entre la France et la junte malienne à propos du déploiement, désormais visible, de soldats russes, mercenaires ou formateurs, leur statut n’est pas clair. Des photos circulent, montrant ces hommes en treillis aussi bien à Bamako qu’à Ségou, dans le centre, ou à Tombouctou, dans le nord, là où l’armée française a évacué une de ses bases le mois dernier.

La France se tait pour l’instant, et laisse les pays de la CEDEAO monter au créneau. Mais la situation risque de ne pas être tenable très longtemps, une cohabitation incompatible entre soldats maliens, français, russes, forces des Nations Unies, et, ne l’oublions pas, des groupes djihadistes dans une bonne partie du pays. Cela fait beaucoup, et c’est explosif. Le Mali est donc le théâtre d’une crise multiforme inédite, qui devra trouver un dénouement rapide avant que le pays ne soit totalement asphyxié. C’est un test pour tous les acteurs de cette crise.

Il s’agit des militaires maliens qui voient leurs options se réduire, même s’ils se drapent dans leur dignité nationale ; des pays de la région dont l’action radicale doit produire des résultats rapides au risque de se retourner contre eux ; de la Russie qui a mis le doigt dans une poudrière ; et enfin de la France, le « libérateur » de 2013 lorsqu’elle est intervenue contre une offensive djihadiste, devenu impopulaire en 2022, qui joue ici sa crédibilité africaine. L’heure de vérité est arrivée.

(France Inter)

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