En exil au Qatar, Karim Wade tire à distance les ficelles de ce qui reste du Pds. Une stratégie qui n’a jamais convaincu les observateurs et qui ne semble pas payante en cette veille d’élections locales.
En son temps, c’est Farba Senghor qui avait le premier jeté une pierre dans le jardin déjà caillouteux de Karim Wade. « Je crois que Karim Wade est un bluffeur. S’il a besoin de conquérir le pouvoir, il n’a qu’à venir au Sénégal et se battre comme tout le monde, avait lancé l’ancien ministre et chargé de la propagande du Pds sous Abdoulaye Wade. Karim ne peut pas conquérir le pouvoir par WhatsApp et par message. Ce n’est pas possible ». En exil au Qatar depuis 2016, Karim Wade, est devenu le patron du Pds par la seule volonté de son père qui l’avait bombardé en 2019 au poste de secrétaire général adjoint chargé « de l’organisation, de la modernisation et de l’élaboration des stratégies politiques ». Depuis, le Pds s’est fissuré, les Omar Sarr et Cie ont quitté le navire et ne restent que les fidèles à Wade père et fils. Ce dernier, victime d’une contrainte par corps suite à sa condamnation par la Crei (Cour de répression de l’enrichissement illicite)à six ans de prison en mars 2015 pour enrichissement illicite puis son exil à Doha en 2016 avec le fameux « protocole de Doha », cristallise aujourd’hui la stratégie prise par le Pds de créer sa propre coalition en vue des Locales de 2022.
Karim Wade peut-il maintenir le Pds compétitif depuis son exil doré de Doha ? Selon plusieurs observateurs, la réponse est non. Qui plus est en cette veille d’élections locales où le parti fondé par Abdoulaye Wade semble manquer de véritable chef malgré les stratégies et combinaisons politiques imaginées pour faire face au pouvoir. Rattrapé par l’âge, Me Wade n’apparait plus en public mais agit en privé pour bâtir le Pds version Karim Wade. Jusqu’à quand ? « Me Abdoulaye Wade n’a pas les commandes du Pds, a juré Barthélemy Dias de la coalition Yewwi Askan Wi, ce dimanche sur I radio. Si Abdoulaye Wade était seul aux commandes, je crois qu’on serait ensemble. Mais Wade n’est pas aux commandes du Pds. Je suis désolé ». Le supposé commandant du Pds, Karim Wade, jouerait un jeu trouble fait de beaucoup d’influences auprès de son papa et de méfiance envers une opposition incarnée aujourd’hui par Ousmane Sonko et Khalifa Sall. A quel prix ?
Si d’aucuns le soupçonnent de travailler pour Macky Sall, parce que s’entretenant souvent avec lui par personnes interposées et au nom d’une amnistie recherchée, c’est parce que l’ancien ministre « du ciel et de la terre » ne fait rien pour forcer son destin politique. Sa stratégie actuelle consistant à peser sur le choix électoral des Sénégalais à l’occasion des Locales pour faire pression publiquement sur le pouvoir est autant osée que risquée. Ses calculs auraient même fini de l’enfermer dans un cercle vicieux. « Karim veut faire réviser son procès parce que la Cour de la Cedeao lui a donné gain de cause dans son différend avec l’État sénégalais. C’est un énorme point de blocage entre lui et Macky Sall », a théorisé récemment le journaliste politique Cheikh Yerim Seck. Son retour à Dakar serait assujetti à trop de médiations qui ne semblent pas être la priorité du pouvoir.
Accusé de gérer le Pds via les réseaux sociaux et d’avoir mis Abdoulaye Wade à l’écart, Karim Wade délègue à son cousin Doudou Wade le déroulé de la stratégie de la maison libérale. Au moment de la mise sur pied de la coalition Yewwi Askan Wi, c’est le même Doudou Wade qui avait mené d’âpres discussions avec Sonko, Khalifa Sall et Cie. Une façon de faire qui a ses limites car que serait devenue cette coalition si ces ténors de l’opposition avaient devant eux, en chair et en os, Karim Wade ? Comme pour dire que l’absence physique du fils Wade est un handicap. « Quiconque veut exister au Sénégal, il doit comprendre que le combat se passe au Sénégal et il faut être au Sénégal et se battre au Sénégal. Personne n’a fait autant de séjours carcéraux que Abdoulaye Wade, son père. Il est devenu président de la République parce qu’il s’assume et s’est assumé. Karim doit assumer et s’assumer », a clamé encore Barthélémy Dias. Comme pour signifier à Karim Wade que son exil doré au Qatar n’est rien d’autre qu’une mort politique.