Le chef de file de PASTEF Ousmane Sonko et sa monnaie locale n’ont pas échappé aux critiques des spécialistes en économie, ainsi que des acteurs politiques et des communicants.
La création d’une monnaie locale complémentaire. C’est ce que propose le candidat à la mairie de Ziguinchor, Ousmane Sonko, leader du parti PASTEF (Patriotes Africains du Sénégal pour le Travail, l’Éthique et le Fraternité). « Elle va sécuriser l’argent des déposants, ça peut rapporter énormément en termes de gains et de capacité d’investissement de la commune », expliquait-il lors de la présentation de son programme. En effet, une telle initiative vise à orienter la consommation des particuliers vers des secteurs à valoriser, augmenter le volume des transactions et favoriser la cohésion sociale.
Ailleurs dans le monde où elle est expérimentée, cela fait bonne recette avec des résultats probants. Malgré l’existence des risques de contrefaçon de billets et de blanchiment. L’idée est donc innovante. Surtout pour une région (la Casamance) qui regorge énormément de richesses naturelles, agricoles, culturelles, humaines ainsi que de perspectives touristiques. Sauf qu’il se pose un problème de faisabilité. Car, selon l’ingénieur statisticien-économiste Moubarack Lô, « (…) sur le plan économique, c’est la monnaie qui distingue les pays en terme de caractéristiques ».
Par conséquent, « seul l’État peut créer une monnaie. Qu’elle soit locale, régionale ou nationale, cette décision dépend exclusivement de l’autorité suprême », renchérit l’expert en décentralisation Adama Guèye, dans un entretien avec la RFM. Avant d’ajouter : « Il n’appartient pas au maire ou à un pouvoir local de mettre en place un autre système d’échange ou monnayage dans un lieu bien déterminé. Cela est impossible ». Alors quelle était la visée pour le premier des « patriotes » Ousmane Sonko en théorisant cela ? Sans doute une stratégie politicienne.
Seulement, le contexte régional semble inapproprié. Ce que l’ancien président du Groupe Parlementaire « Benno » (au pouvoir), Moustapha Diakhaté n’avait pas manqué de souligner sur sa page facebook. « Ce propos est indigne d’un élu de la République. Même les irrédentistes du MFDC (mouvement indépendantiste de la Casamance) ne sont jamais allés aussi loin. Au Sénégal, avec Ousmane Sonko, le populisme représente un véritable danger de crétinisation des consciences et d’avilissement de la lutte politique. C’est une terrible erreur de miser sur le régionalisme pour pouvoir apporter des changements ».
Pour lui, le chef de PASTEF « n’a pas compris que c’est par un travail sérieux, persévérant, opiniâtre de diagnostic et de propositions utiles qu’on peut améliorer les conditions de vie des populations de la Casamance ». Il s’agit là « d’une escroquerie politique que de faire croire qu’une sortie du CFA de la région (Sud) est une réponse aux difficultés… A l’heure de l’intégration africaine, proposer l’irrédentisme monétaire est un patriotisme de pacotille ». D’autant plus que « Ziguinchor se trouve dans une situation exceptionnelle de ni guerre ni paix depuis près de 40 ans », rappelle Moubarack Lô.
En définitive, Moustapha Diakhaté reste convaincu que « cette ineptie de monnaie casamançaise ainsi que toutes les autres élucubrations d’Ousmane Sonko ne sont que de la communication politicienne et d’agitations fébriles pour occuper les médias ». Encore une maladresse dans sa stratégie de Com, selon le Directeur général du Bureau de prospective économique du Sénégal. « De manière générale, il y a à chaque fois des fautes dans son discours sur la Casamance. Je crois qu’il le fait exprès. C’est pour des raisons électoralistes. Et ça ne date pas d’aujourd’hui, il faut qu’il arrête », dit Mr Lô.
