L’affaire du trafic de passeports diplomatiques impliquant des députés n’est pas inconnue du pouvoir en général. En son temps, Abdoulaye Wade et Moustapha Niasse s’étaient vilipendés autour de ce fameux sésame.
Depuis le début du scandale des passeports diplomatiques impliquant deux députés en l’occurence Boubacar Biaye et Mamadou Sall, pas une seule fois la voix grave de Moustapha Niasse, le président de l’Assemblée nationale, n’a été entendue. Seul un communiqué est sorti faisant état de la convocation d’un des parlementaires mis en cause, Mamadou Sall, par le président Moustapha Niasse. Le principal concerné, le député Sall confirmera lui-même l’information en révélant que c’est le ministre de la Justice qui a envoyé une lettre à Moustapha Niasse pour l’ouverture d’une enquête à l’interne avant la levée de toute immunité parlementaire. Dans la forme, Moustapha Niasse est dans son rôle. Dans le fond, il y a eu lieu de se demander si le patron de L’Afp est à l’aise avec cette trouble affaire de trafic de passeports diplomatiques.
Un simple retour en arrière permet de comprendre la gêne qui pourrait assaillir le président Moustapha Niasse en pareil cas. Nommé Premier ministre en 2000 par le président Abdoulaye Wade, Moustapha Niasse, autrefois ministre des Affaires étrangères sous le régime socialiste, promet de régler définitivement le problème lié à l’octroi des passeports diplomatiques au Sénégal. Il n’aura pas le temps de dérouler sa stratégie puisqu’éjecté de son fauteuil à la Primature au bout de quelques mois de cohabitation avec Wade. Ce dernier, réélu en 2007 à la tête du Sénégal, opère une chasse aux sorcières qui n’épargne pas son ancien compagnon et Premier ministre, Moustapha Niasse. Wade accuse nommément Niasse d’être mouillé dans l’affaire dite des passeports chinois et le menace de poursuites judiciaires.
Dans une sentence qui est resté dans les mémoires, le président Wade balance sur Niasse et fait son procès. « En tant que ministre des Affaires étrangères, il avait ouvert un bureau consulaire à Hong Kong pour vendre des passeports aux Chinois. Un jour, les Français se sont réveillés et ont trouvé le cadavre d’une Chinoise dans la Seine qui avait par-devers elle un passeport diplomatique sénégalais. La presse sénégalaise en a parlé. Moustapha Niasse vendait des passeports à des Chinois qui voulaient se rendre aux Etats-Unis ou ailleurs. Il l’a reconnu. Il n’a pas reversé l’argent au Trésor. Je lui demande seulement de rapporter la preuve. Et quand on lui demande cela, il dit qu’aux Etats-Unis on vend des passeports», déclarait alors Abdoulaye Wade, qui avait à ses côtés, un certain Macky Sall, alors Premier ministre et directeur de campagne. Comme l’histoire est mesquine….
La réplique ne s’était pas fait attendre. L’actuel président de l’Assemblée nationale avait à son tour accusé Wade d’avoir vendu des passeports diplomatiques à la famille de Jonas Savimbi (chef rebelle angolais décédé en 2002, NDLR). «Me Wade a vendu 26 passeports diplomatiques à la famille de Jonas Savimbi. Il n’a qu’à m’amener devant le Tribunal et je viendrai avec le dossier des passeports de la famille Savimbi». Qui a tort ? Qui a raison ? L’histoire le dira. Ou ne le dira pas. Moralité : le scandale des passeports diplomatiques est survenu en premier sous Wade. Avant de rejaillir sous Macky Sall. Diplomatiquement, l’image du Sénégal est souillée depuis longtemps par cette fréquence de trafic autour de ce sésame. Hier comme aujourd’hui, le passeport diplomatique demeure un outil politique aux mais des pouvoirs en place.