Les fondements du mariage ne sont plus solides. Ça vole en éclats à la moindre turbulence. Les facteurs sont multiples.
Le taux de séparations a connu une augmentation significative ces dernières années. Les chiffres sont effroyables : 126 286 divorces par année au Sénégal, en moyenne 345 par jour et un couple sur trois rompt les amarres avant la survenue du cinquième anniversaire de mariage. Révélation d’une étude de l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD), publiée il y a quatre jours. C’est un phénomène mondial, mais ça commence à prendre des proportions extraordinaires au pays de la Téranga. Qui se pointe désormais devant la France (120 000).
Une situation qui, selon la sociologue Awa Diop, est liée à plusieurs facteurs. Partant du fait que « nos sociétés sont fortement secouées à cause de la mondialisation et de la globalisation. Les échanges entre les pays sont de telle sorte qu’il n’y a plus de frontières sur tous les plans. La façon dont on fonctionne chez nous est totalement différente de ce qu’il y a ailleurs. Mais, on peut voir tout ce qui passe partout via les réseaux sociaux et les flux médiatiques. Cela a provoqué un bouleversement dans notre société et a touché la famille, la conception que nous avons du mariage et la relation conjugale ».
La spécialiste, invitée de « Pencco », trouve que les causes sont profondes. « On constate que chacun attend quelque chose de l’autre dans le mariage. Le plus souvent, c’est matériel. Avant de s’engager, la femme veut s’assurer que son homme à un bon travail, est à l’aise sur le plan financier. En croyant qu’il pourra la sortir de la misère. Même les hommes jouent maintenant à ce jeu, on les entend dire qu’ils ne veulent pas épouser des « cas sociaux ». Ce sont là les bases du mariage qui sont biaisées. Le fondement n’est plus solide. On met en avant l’intérêt personnel », indique-t-elle.
Avant d’ajouter un autre aspect : le manque de tolérance dans notre société. « Les gens sont devenus violents, rapides à se mettre en colère et à réagir face à certaines situations difficiles. Cela touche aussi les couples. Il n’y a plus ce compris qui doit exister entre deux personnes amoureuses. C’est-à-dire pouvoir accepter les qualités et les défauts de l’autre. Parce que les personnalités ne sont pas les mêmes ni les cultures ni l’éducation. Le constat aujourd’hui est qu’on n’hésite pas à rendre les coups, on ne pardonne rien. A force de s’affronter, d’être dans la contradiction, la cohabitation devient impossible ».
Il y a également le fait que « la plupart des femmes veulent mener une belle vie. On veut tout ici et maintenant. Etre dans le bonheur de manière permanente. On n’attend pas quand c’est dur, on ne gère plus son couple en ayant une pensée pour les enfants. Ces valeurs qui nous caractérisaient ne sont plus là. On a l’impression que les gens sont un peu pressés de rompre, d’aller voir ailleurs. Cependant, la souffrance dans le mariage (violence sexuelle, psychologique ou physique) si elle atteint un certain niveau, la seule solution est de se séparer », estime la sociologue Awa Diop. Convaincue qu’il va falloir repenser la société sénégalaise.
Au-delà de ces considérations d’ordre humain, la conjoncture actuelle – accentuée par la crise du Covid-19 qui perdure – a incontestablement contribué à fragiliser les couples. Elle est à l’origine de la hausse du taux des séparations dans plusieurs pays occidentaux, surtout durant les périodes de confinement. Ce qui confirme l’affirmation de Glenn Sandström, professeur en histoire de la démographie à l’université d’Umeå en Suède : « Le nombre de divorces augmente toujours en période de récession économique, et ce depuis la seconde Guerre mondiale ». Le Sénégal n’a pas donc échappé à cette réalité.
A moins que ça soit dû tout simplement au fait que « les femmes ont pu se rendre compte que leurs maris ne servaient pas à grand-chose ». Comme le proclame le sociologue français Serge Guérin parlant de la situation dans l’Hexagone.