En signant le décret d’octroi des passeports diplomatiques aux épouses des députés en 2012, le président Macky Sall n’exposait-il pas le Sénégal au scandale qui le secoue actuellement ?
Le scandale des passeports diplomatiques révèle une chose : ce vaste trafic a été possible grâce aux droits conférés aux députés et à leurs épouses de se munir de ce précieux et convoité document. En effet, le fameux El Hadji Condé, faussaire de son état et à l’origine de l’affaire, a confessé aux enquêteurs de la Dic que les députés incriminés, Boubacar Biaye et Mamadou Sall, voulaient faire voyager des dames à partir de faux certificats de mariage moyennant des millions FCFA. Le scandale a également révélé que des candidates au voyage ont pu émigrer en Italie, en France et en Allemagne en échange de fortes sommes d’argent. Cette faille aurait-elle été possible si les épouses des députés n’avaient pas droit aux passeports diplomatiques ? Le président Macky Sall n’a-t-il pas ouvert la boite aux pandores avec cette faveur faite aux députés et à leurs familles ?
C’est en décembre 2012 que le chef de l’État accède à la demande pressante des députés de l’époque de pouvoir faire jouir à leurs épouses des passeports diplomatiques. La généralisation de l’accès à ce document de voyage est annoncée le 4 décembre 2012 aux parlementaires par le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Mankeur Ndiaye, à l’occasion du vote du budget de son département. Dans les débats, il est beaucoup question des passeports diplomatiques. Devant le ministre des Affaires étrangères, Mankeur Ndiaye, la question de la modification du décret de la liste des ayants droit au passeport diplomatique est soulevée. Les députés insistent beaucoup pour la généralisation de l’accès au passeport diplomatique à leurs épouses. Le ministre Mankeur Ndiaye met fin alors au débat en annonçant que désormais, des passeports diplomatiques seront octroyés aux épouses des députés. Pour le plus grand bonheur des parlementaires qui se réjouissent de cette nouvelle qui vient de «tirer d’affaire les députés polygames qui se faisaient des soucis».
Le calcul est simple : un député polygame avec 4 épouses se retrouvent avec autant de passeports diplomatiques. Une situation qui n’est pas sans rapport avec le scandale en cours et cette porte ouverte à toutes les magouilles. « La décision du président Macky Sall d’octroyer aux épouses des députés des passeports diplomatiques est inique, irresponsable et irréfléchie. Car, c’est par ce mécanisme que les députés impliqués ont contracté de faux mariages avec leurs clientes pour leur permettre d’obtenir des passeports diplomatiques », dénonce Amadou Bâ, membre du mouvement national des cadres de Pastef et chargé des questions juridiques et parlementaires. Pire : il est question, selon Bâ, de la décrédibilisation de notre diplomatie à travers l’octroi à tout bout de champ du précieux document. « Les députés eux-mêmes n’ont pas besoin de passeport diplomatique et encore moins leurs épouses. Un député n’est pas un diplomate et ne passe pas son temps dans les pays étrangers pour avoir besoin d’être accompagné pour toute mission de 5 jours par ses épouses. Permettre aux épouses de députés de se servir du passeport diplomatique pour aller faire du shopping, du commerce et du GP à Dubaï, New-York, Paris est une humiliation permanente dénoncée par les diplomates qui voient le marqueur de notre souveraineté vilipendé par des épouses de députés qui se transforment en bana-bana internationale », argumente-t-il.
Face au tollé, le président Macky Sall a exigé « la lumière et demandé des sanctions , par rapport à l’affaire du trafic des passeports diplomatiques, et ce quelle que soit la personne et quel que soit le statut de la personne incriminée ». A sa suite, le député et président du groupe parlementaire Benno Bokk Yakaar, Aymérou Gningue, a fait savoir qu’ « aucun député appartenant à son groupe ne sera protégé ». Obligés de réagir face à ce scandale qui a fini d’écorner l’image du Sénégal à l’international, les pouvoirs exécutif et législatif font dans la menace et promettent de livrer les coupables à la justice. Mais, la responsabilité du chef de l’État n’est-elle pas engagée au premier chef ? « C’est Macky Sall et son ignoble décision d’octroi de passeports diplomatiques aux épouses de députés, qui a favorisé et entretenu le trafic », assène sec Amadou Bâ de Pastef.