Le PDG de Wari Kabirou Mbodj a perdu le bras de fer avec ses ex-associés, qui doivent être indemnisés à hauteur de 5 milliards F CFA. Un montant dérisoire, selon les plaignants.
Le tribunal a condamné ce matin le président directeur général de Wari, Kabirou Mbodj, pour abus de confiance et de biens sociaux. La peine est de deux ans d’emprisonnement dont 6 mois ferme, en plus de 5 milliards F CFA à verser aux plaignants que sont les sieurs Seyni Camara, Malick Fall et Cheikh Tague. Ses ex-associés pour monter la célèbre plateforme numérique de services financiers et commerciaux en 2008. Une décision qui sera soumise à la cour d’appel par les deux parties.
Selon Me Seydou Diagne, la somme devant être remboursée à ses clients est minime. « On veut au moins 20 milliards F CFA, l’équivalent des montants qu’on leur doit et qui ne sont pas inscrits dans le livre comptable de l’entreprise. Ils sont trois et ils avaient laissé leur carrière professionnelle pour créer Wari. Finalement, Kabirou Mbodj a tout dilapidé ». En effet le leader au Sénégal dans le domaine des réseaux d’argent mobile, pendant une dizaine d’années, a fini par mettre la clef sous la porte.
Pourtant, ce fut un bel exemple de réussite avec plus de 25.000 emplois directs générés. En 2019, Wari était présent dans 62 pays de trois continents que sont l’Afrique, l’Europe et l’Amérique, à travers 500 000 points de vente et 212 millions de personnes utilisaient ses services. En plus d’avoir signé des conventions et partenariats avec plus de 150 structures bancaires dont une dizaine de banques centrales. Avant que l’entreprise périclite et se retrouve aujourd’hui dans le creux de la vague.
Ce que Kabirou Mbodj justifie, dans un entretien accordé à L’OBS récemment, par « des oppositions à tous les niveaux, en y ajoutant des fautes internes des personnes en charge des opérations, qui ont fini par mettre quasiment à l’arrêt les services offerts aux populations. C’est extrêmement dommageable à plusieurs niveaux. Les Sénégalais n’ont plus leur service favori et doivent se contenter, pour l’instant, des autres services qui sont disponibles, mais sans commune mesure avec les nôtres ».
Sauf que le verdict, rendu en première instance dans le contentieux avec ses partenaires, révèle une autre vérité. Elle n’est pas loin de celle que le site Lignedirecte.sn faisait état au début de l’affaire, il y a six ans. Nos confrères avaient détaillé les « trucs et astuces utilisés par le seul maître à bord de Wari pour écarter ses associés et prendre le contrôle de la société (…) Cela avait commencé par la structure Interactive, qui gère tout le réseau de distribution. Les montages se complexifient à ce stade de l’évolution rapide du produit ».
Et de poursuivre : « On ne sait pas pour quelle motivation, Kabirou Mbodj propose à ses associés de créer une autre société dénommée Cellular system international data system (CDC), qui devient une filiale de CSI.SA (…) Ensuite, il leur propose de lâcher chacun 5% d’Interactive pour constituer les 20% de CDC. A la fin du processus, il se retrouve avec 35% des parts, contre 15% pour les autres, qui vont l’accuser d’avoir racheté en catimini les actions du Français Bernard Tissot, qui était dans Interactive ».
Des opérations assimilées à des manœuvres frauduleuses par Seyni Camara, Cheikh Tagué et Malick Fall. Surtout que « Kabirou Mbodj parvient à faire rétrocéder 50% du chiffre d’affaires d’Interactive (qui contrôle 60% des activités de Wari) à CSI. Seyni Camara est dans la même veine écarté de ses fonctions de gérant. La manœuvre se termine avec la mise en place de Interlink Suarl dont il est l’unique actionnaire. Un artifice accompagné par une augmentation de capital (…) Il s’autoproclame seul concepteur de Wari », informe Lignedirect.
Un document d’enquête de la police montrait des transactions chiffrées à plus de 75 milliards F CFA de flux financiers, soit des commissions avoisinant 1 milliard F CFA. « Entre juillet 2014 et octobre 2014, il est aussi répertorié 1.3 millions F CFA de transactions Wari, soit 25 milliards F CFA de flux financiers, représentant 400 millions F CFA ». Qui plus est, le rapport de l’expert-comptable Me Ngor Diouf, pour le compte de la justice, « avait soulevé des indices de détournements massifs, des frais de missions exorbitants, des chèques émis sans être libellé au nom de quelqu’un, des payements sans pièces justificatives ».
A l’époque, Kabirou Mbodj avait contesté les faits qui lui étaient reprochés. « Nous marquons notre étonnement par rapport à la précipitation avec laquelle vous avez produit ce rapport, deux jours ouvrables seulement après l’entrevue avec notre mandataire qui était disposé à vous transmettre toutes les pièces justificatives de charges d’exploitation liées aux décaissements notés dans le compte bancaire que vous avez expertisé. Votre façon de procéder, déplorable, dénote de votre part un manque d’objectivité, doublé d’un déficit de rigueur totalement inacceptable eu égard aux risques encourus par le justiciable », avait-il martelé.
Sept ans après, le juge a parlé et le PDG de Wari est contraint de dédommager ses « amis » Seyni Camara, Malick Fall et Cheikh Tague.